Regard sur l’image

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- Art, immanence et outil

,  par Hervé BERNARD dit RVB

« Tout art et toute littérature commencent dans l’immanence. » [1]

1 Immanence
 Le caractère de ce qui a son principe en soi-même, par opposition à la transcendance qui indique une cause extérieure et supérieure.
 Qui est contenu dans un être, qui résulte de la nature même de cet être et non pas d’une action externe : “ L’idée de dépassement est immanente à l’homme.
 Se dit d’une étude du langage qui ne fait pas intervenir des phénomènes et des explications extralinguistiques (psychologiques, historiques, etc.) et s’en tient strictement à l’objet même qu’elle a circonscrit (principe d’immanence).

Quand André Malraux considère que les objets religieux constituent l’art originel, il construit les fondements de cette affirmation de Steiner à moins qu’il ne développe une pensée parallèle.

Georges Steiner affirme simultanément « Les arts sont merveilleusement enracinés dans la couleur, dans la vibration de la corde et dans le poids du vent sur les roseaux. » [2]. Avec cette phrase Steiner considère-t-il que l’art est haptique ? Que, pour le transmettre, le créer, il faut le vivre. De fait, l’art n’existe pas sans le Faire, sans le concret de l’outil mais aussi sans le corps. Ainsi, l’art ne serait donc pas seulement intellect.

© Hervé Bernard 2017

2 Arts et matière
Ces deux citations décrivent le contraste, l’écartèlement de l’art. Dans l’art, une part dépend de nous, celle qui concerne le combat avec la matière, la matérialité tandis que l’autre, celle qui concerne l’immanence, celle de la transcendance n’en dépend pas. Ce besoin extrême du dépassement, d’aller toujours plus loin constitue une part de cette transcendance. Son autre part, celle qui dépasse notre histoire personnelle pour appartenir à l’histoire universelle de l’Homme. Cette dernière concerne les artistes que l’on appelle les Classiques. Classique dans un sens large. C’est-à-dire que pour nous qui sommes confrontés au Musée Imaginaire, un bouddha, une statue d’Angkor-Vat, un gisant de la Cathédrale Saint Denis ou encore Les Demoiselles d’Avignon sont quelques uns de nos classiques pour reprendre, là aussi, Malraux.

Existe-t-il une contradiction entre l’immanence de l’art et son enracinement dans la matière ? En même temps quand on parle de la couleur, s’agit-il de la couleur matière ou de la couleur lumière ? Quant à la vibration provient-elle de la matière ou de l’air ? Les limites ne sont pas si claire. Débuter dans l’immanence pour atterrir dans la matière, l’art serait-il, comme le diable, un ange déchu ? S’écarterait-on de Malraux pour qui l’art est d’essence divine ?

Nous voilà à nouveau confronté à ce bon vieux manichéisme. Comment en sortir ? Comment penser le complexe sans se heurter à ce mur qui est comme une sorte de mur de Berlin de la culture occidentale ? Par l’imaginaire ou plutôt par l’image ?

« D’une certaine manière l’imaginaire n’est pas opposé au réel. Ni rêve ni délire. Deleuze déteste l’imaginaire quand il est ainsi dispensé d’effectivité. Il est miné dès qu’on en fait un irréel, un opium évasif. Et personne mieux que Deleuze n’a parlé de l’image. Ce qui intéresse Deleuze dans l’image, c’est sa puissance de "réalisation". Non elle n’est pas utopique si l’utopie était seulement ce qui n’arrive jamais. Elle est justement ce qui arrive, à la pointe du réel, ce qui le fait être, le produit activement. Puissance du cinéma, de la littérature...

[...]

L’image, la virtualité, l’impossible sont les formes de l’événement dont rien précisément ne se laisse conditionner par la réalité. Ce qui fonde le réel ne peut lui ressembler et s’abimer en lui. C’est là sans doute que réside le transcendantalisme de Deleuze...  » [3]

En guise d’épilogue photographique
« Photographier signifie se libérer d’un type de gravité et se placer dans un espace où une force différente essaie de vous déplacer. » [4]