Regard sur l’image

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- Photographie et peinture (3)

,  par Hervé BERNARD dit RVB

« Le peintre construit, la photographie révèle (…) mais la vision photographique doit être constamment renouvelée par de nouveaux chocs, dans leur sujet ou leur technique, pour produire l’impression de la rupture d’avec la vision ordinaire. »
Susan Sontag

Outre le fait que pour la peinture, Susan Sontag parle de la profession et que pour la photographie, elle évoque l’objet produit, ce qui induit déjà une hiérarchie dans ces propos et transforme cette phrase une lapallissade ; cette citation montre comment Susan Sontag passe à côte de l’essentiel même en considérant qu’elle parle du photographe plutôt que de la photographie. L’outil construit la vision et comme tous matériaux de construction, il forme et par conséquent, déforme simultanément...

Hommage au déjeuner sur l’herbe

De même que le béton autorise des formes et une esthétique que la pierre ne permet pas, la photographie construit tout autant que la peinture comme le montrent les images de Bill Brandt, Walker Evans, Guy Bourdin... Le choc technique existe aussi en peinture. Comme dans tous les arts, il a toujours existé en peinture pour devenir constant depuis la seconde moitié du XIXe siècle : préraphaéliste, impressonniste, (…), cubiste, surréaliste, (…), Action Painting, hyperéaliste, op-art...

En fait, la photographie n’a pas besoin de faire d’effort, elle est si naturellement une rupture par la réinvention de l’image fixe qui n’existe pas du point de vue perceptuel. Certes, la peinture l’avait déjà inventée mais la photographie fige, est en noir et blanc, rapproche (téléobjectif ou macrophotographie), éloigne (grand-angle) le sujet ou encore le représente avec des couleurs très saturées (pellicule Fujichrome), en mélangeant le noir et blanc dans une même image...

Par essence, la photographie, ni plus ni moins que n’importe quelle peinture figurative, la plus mauvaise soit-elle, est en rupture avec la vision ordinaire car c’est une image fixe. Seulement les codes culturelles nous le font oublier. On croit voir une image fixe quand les choses ne bougent pas devant nos yeux mais cette croyance confond vision perceptuelle et vision culturelle. De fait, nous avons tendance à prendre la seconde pour la première...