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- L’invention de la perspective V2

,  par Hervé BERNARD dit RVB

Invention de la perspective
Traduction du Traité d’optique d’Alhazen fin du XIIe, début du XIIIe siècle. Alberti né au début du XVe siècle. Que s’est-il passer entre les deux ?

Le premier document qui prouve qu’Alberti est impliqué dans un chantier architectural date vraisemblablement de 1454 [1]. À cette même période ; il rédige la Descriptio Urbis Romae, premier plan « scientifique » d’une ville.

À partir de l’art de l’antiquité, il élabore la théorie de la beauté en tant qu’harmonie, exprimable mathématiquement dans ses parties et son tout. Ainsi, la base de la projection architecturale se trouve dans la « proportionnalité » des édifices romains. Cette vision harmonique est présente dans toutes ses œuvres. Rédigé vers 1435, son De Pictura (Traité de la peinture) imprimé en 1511 à Nuremberg, soulève une question qui sera au XVIIe siècle à l’origine du développement de la géométrie projective : quelles sont les propriétés géométriques communes à deux perspectives d’une même figure ? Pendant tout un siècle encore, la portée des méthodes de perspective restera relativement restreinte et ne dépassera guère les cadres des tableaux d’artistes. Cependant, par la suite, notamment grâce à son usage en cartographie usage qui révolutionnera, entre autres, la balistique, la géographie et l’astronomie, « l’intégration des méthodes projectives dans le corps des mathématiques enrichira et renouvellera la géométrie. »

C’est dans le De Statua, traité de la sculpture composé vers 1450, qui complète sa trilogie sur les arts majeurs, qu’Alberti va exposer son système de définition tridimensionnelle des volumes. Celui-ci sera , radicalement nouveau.

Tout d’abord, dans le sillage de Pline l’Ancien, Alberti distingue la sculpture par ajout ou par enlèvement selon la technique utilisée :

 apposer ou ajouter de la matière molle, terre ou cire, s’applique à une sculpture réalisée par des « modélistes »,
 soustraire de la matière se pratique en sculptant la pierre, ce que font des « sculpteurs ».

Hommage à l’Homme de Vitruve III
© Hervé Bernard 2020

Ce distinguo, déterminant dans la conception artistique de nombreux sculpteurs à l’instar de Michel-Ange, n’avait jamais été exprimé avec une telle clarté. Quant à la méthode à suivre pour atteindre le but de la sculpture, qui est l’imitation de la nature, Alberti distingue ensuite :

 la dimensio, mesure qui définit les proportions générales de l’objet représenté au moyen de l’exempeda, sorte de règle droite modulaire servant à relever les longueurs au moyen d’équerres mobiles en forme de compas (normae), avec lequel mesurer les épaisseurs, les distances et les diamètres,
 la finitio, définition individuelle des détails et des mouvements de l’objet représenté, pour laquelle Alberti propose un instrument de son invention (le definitor ou finitorium, disque circulaire auquel est fixée une baguette graduée pivotante d’où pend un fil à plomb). Un instrument avec lequel on peut déterminer n’importe quel point du modèle selon une combinaison de coordonnées polaires et axiales, par transfert mécanique du modèle à la sculpture.

Alberti pose ainsi les bases de la représentation ‘’scientifique’’ du corps humain, un des thèmes sous-jacents à toute la culture figurative européenne de la Renaissance. Même si le Traité ne fut traduit en italien qu’un siècle plus tard, en 1568, et même si le texte original en latin ne fut publié qu’à la fin du XIXe siècle, les artistes de son temps en avaient manifestement connaissance. En effet, le système d’Alberti de définition mécanique des volumes devait passionner, entre autres, Léonard de Vinci, qui s’en inspira pour mettre au point des systèmes similaires, comme en témoignent ses carnets. Léonard utilisa également les Tabulae dimensionum hominis du De statua pour réaliser le célèbre Homme de Vitruve.

On peut considérer en outre que les techniques tridimensionnelles mises au point par Alberti dans ce traité préfigurent le dessin d’architecture (cf. le Modulor du Corbusier, puis le DAO) ou industriel moderne (la 3D), et même la modélisation numérique (sur laquelle se basent, par exemple, les travaux du GIEC), puisque le definitor transforme des points relevés sur le modèle en données alphanumériques.

Simultanément, Alberti construisit et théorisa. Il appliqua son fondement scientifique à l’œuvre d’art, redonna de la noblesse au rang d’artiste, mit la peinture, la sculpture et l’architecture sur le même plan que la littérature et que la philosophie. L’artisan est ainsi devenu un intellectuel.

L’Art d’édifier est composé entre 1443 environ et 1472. Selon Focillon, il conféra à son auteur une autorité comparable à celle de Vitruve. Il a joué avec le De pictura, un rôle de premier plan dans l’évolution de l’art de la Renaissance.


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