Regard sur l’image

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- L’uniforme est-il une image (1) V2

,  par Hervé BERNARD dit RVB

Prélude
La France se dit fière de son particularisme et plus particulièrement de son particularisme culturel. Comment se fait-il qu’au-delà du discours, celui-ci s’effrite quotidiennement ?

L’uniforme de la police française est devenu une copie quasi conforme de l’uniforme de la police américaine tel que nous le présente Hollywood. Certes, il fallait faire évoluer l’uniforme du policier, mais était-il nécessaire d’introduire une confusion entre l’uniforme du gardien de la paix et celui du CRS ? Et zn quoi cette copie serait-elle une garantie d’efficacité policière ?

Un uniforme de mécanicien, pourquoi ?
Ce nouvel uniforme serait-il une copie de la salopette des techniciens automobiles qui s’affrontent lors d’une compétition ou encore celle des mécaniciens de l’aviation ? Les policiers seraient-ils devenus des techniciens de l’ordre au lieu d’en être les gardiens, c’est-à-dire les garants, les protecteurs ?

Cette transformation du policier de gardien en un technicien n’est pas neutre. Elle conduit simultanément à une relecture de la loi à moins qu’elle n’en soit l’image. Cette évolution en fait une technique qui doit être appliquée sur un mode « ça marche – ça ne marche pas » ou encore « délinquant – non délinquant ». Ce mode binaire, manichéen, exclut toutes interprétations de la loi. Hors, une loi pour être appliquée ce doit d’être interprétée à la lueur des circonstances. Faire l’impasse sur cette interprétation la rend inapplicable.

Sans interprétation de la loi, nous sommes tous en situation illégale, nous sommes tous des délinquants. Il n’existe pas de loi sans exégèse de la loi et c’est cet exégèse qui la rend applicable. Ainsi, une application au mot à mot de la loi sur les attroupements publics met toutes les familles de plus de trois personnes ou tous les groupes d’amis en goguette en situation illégale lorsqu’ils se promènent dans la rue… Car, de fait, la loi française interdit tout rassemblement de plus de trois personnes. Par ailleurs, cette transformation de l’uniforme en un uniforme de technicien explique que les policiers sont maintenant obligés de porter une grande étiquette afin d’indiquer leur fonction. En effet, nous, les citoyens, ne sommes plus capable de les identifier à distance.

Un uniforme pour quoi faire ?
Le rôle de l’uniforme est d’uniformiser un groupe, d’atténuer les différences à l’intérieur de ce groupe pour mettre en valeur le rôle collectif : ici celui de policer notre société afin de rendre les rapports plus humains. Utiliser l’uniforme pour faire disparaître les distinctions entre deux corps constitués introduit une confusion des rôles. Auparavant, nous avions d’un côté la police, de l’autre les forces de l’ordre qui n’intervenaient qu’en situation de crise. Aujourd’hui, l’uniforme induit que nous n’avons plus que des forces de l’ordre et plus de gardiens. Est-ce à dire que nous serions donc en crise permanente ?

La télévision et la presse écrite sont le reflet de cette évolution, plus aucun titre ne parle de la police, le mot “force de l’ordre” unanimement accepté aujourd’hui, voire choisi, est le reflet d’un glissement des rôles : du passage d’une police au service du citoyen à une police au service du gouvernement ou plus exactement des forces gouvernementales.

Et progressivement, de glissement en glissement, on transforme le sens et donc le rôle. Et cela finit par des policiers qui tirent avec des balles réelles lors de manifestations comme à Grigny (Essonne) le 8 mai 2007, de sept à neuf balles comme le remarque dans son rapport l’inspection générale de la police…

L’étape ultérieure est celle que les États-Unis vivent depuis quelques années et que nous abordons progressivement avec nos CRS robocops [1] : la confusion entre les forces de maintien de l’ordre et les forces militaires. Au cours de cette étape, on a commencé par sur-équiper la police. D’abord des fusils d’assaut puis, des bazookas, puis des blindés légers et enfin des engins plus proches des chars d’assaut que du véhicule d’intervention pour, très prochainement, voir des drones qui tireront sur la foule, pour cette dernière innovation, ce n’est plus qu’une question d’année, voire de mois.

Au nom de l’efficacité ?
Là où cette évolution est inquiétante, c’est qu’elle ne se fait pas seulement au nom d’une fiction cinématographique, sa motivation sous-jacente est celle d’une soi-disante efficacité. Combien leur faudra-t-il de temps et nous faudra-t-il de temps pour comprendre que cette vision de la police est inefficace. En fait, c’est l’institution qui fixe le degré de violence des manifestants car la réaction d’un manifestant à une intervention policière ne sera pas la peine s’il est confronté à un gendarme en chemisette ou à un robocop. Par ailleurs, ces outils interdisent à la police de recourir à une riposte graduée. On peut donc en déduire que cette maximalisation de la violence policière est contre-productive.

La seule police qui tienne est celle de l’éducation au respect de l’autre et pour que celle-là soit efficace, nous devons d’une part repenser l’enseignement et simultanément mettre fin aux abus des banques et de la criminalité en col blanc. Cette criminalité qui ne verra jamais un char d’assaut à sa porte pourtant, elle est au moins aussi dangereuse que la criminalité quotidienne parce qu’elle provoque des crises économiques mais sert également à justifier quotidiennement l’autre criminalité.

Pour mémoire
N’oublions pas l’étymologie du mot police. « Le mot police provient du mot latin politia, forme latine du mot grec πολιτεία (politeia), qui signifie « régime politique, citoyenneté, administration, partie civile » et du mot πόλις (polis), qui signifie « cité » (Wikpédia). La police est bien une administration civile de la cité. La militariser est un dévoiement de son Rôle et l’évolution de son uniforme et de ses outils sont bien l’image de ce dévoiement.

Epilogue

© Hervé Bernard 2008 - 2020

Voir aussi : L’uniforme est une image (2) :

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