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Regard sur l’image

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- Image et représentation divine 2/3, une interdiction pour nous protéger !

,  par Hervé BERNARD dit RVB

- Image et représentation divine, une interdiction pour nous protéger ? 1/2

1 Le regard porté sur les images
L"effroi de l’image serait notamment dû au risque de l’identification ou plutôt de la confusion par le spectateur entre l’objet représenté et sa réalité, ce que la psychanalyse appelle le fusionnel. C’est-à-dire la disparition de l’identité, l’annihilation de la différence avec l’autre qu’il soit objet ou être vivant.

Identification avec Dieu, oui mais point trop s’en faut !
Quand on parle de fusionnel, il s’agit ici de la prise de possession du spectateur par l’image. Que l’image nous transforme oui, qu’elle nous annihile, non ! Tel serait la doxa. Est-il de plus belle définition de l’image pornographique que cette image qui nous dépossède de nous-même ? Tiendrions-nous au passage, la différence entre le pornographique et l’érotique ? Le pornographique, contrairement à l’érotique, nous déposséderait-elle de nous-même et une image religieuse pourrait-elle alors être “pornographique” ?

Oui, si elle nous entraine dans cette confusion. C’est ce que le Moyen-âge appelait être possédé. Quel curieux terme pour désigner un comportement qui nous dépossède de nous-mêmes. Donc, nous pouvons être possédés par une image et, ainsi, perdre de vue Dieu.

Pygmaillon et Galatée par Jean-Léon Gérôme

Certes, dans notre tradition, nous avons été fait à Son image —à l’image de Dieu— Cependant, nous ne sommes que Ses créatures. Différence hiérarchique qui nous écarte de toute égalité —au sens mathématique du terme— avec Lui.

L’interdiction du fusionnel, l’interdiction de l’image de Dieu serait-elle là pour nous protéger des pouvoirs magiques de l’image. Pouvoirs magiques d’autant plus grand que cette image représente Dieu. Cette interdiction là nous protégerait de notre désir de nous fondre, de nous confondre en Son image, voir de tomber “ amoureux ” de cette image si tant est que cette confusion soit encore de l’amour. En effet, si l’on fait abstraction de la définition de l’amour romantique qui plaide pour la fusion dans le partenaire, rares sont les personnes qui plaident pour un amour réellement fusionnel. Au passage, soudain, l’amour romantique nous apparaît tel qu’il est : la négation de l’autre et donc en miroir, la négation de soi.

Gorgoneion d’époque archaïque. Dessin d’une terre cuite trouvée en 1836 sous le Parthénon.

Donc, cette interdiction a été énoncée pour nous protéger de la tentation du regard passif qui nous laisserait hypnotisé tel Ulysse face aux sirènes ou encore le passant face aux Gorgones [1] qui nous pétrifient comme Méduse, l’une des Gorgones, le fit après que son masque fixé sur le bouclier de Persée pétrifia ceux qui détenaient la vierge Andromède.

Cette fascination de l’image ferait au mieux de nous, des échos [2] de cette image à défaut de nous pétrifier.

2 L’interdiction
Cette interdiction nous montrerait-elle au passage que nous n’avons rien compris à Narcisse. Le problème de Narcisse n’est pas de ne pas se reconnaître dans son reflet. Son problème fondamental est de ne pas comprendre qu’il est face à une image et cette incompréhension fait de lui un pornographe. En fait, c’est parce qu’il est tétanisé par l’image apparu à la surface de l’eau qu’il se noie. La ressemblance est bien secondaire dans l’affaire. Elle ne joue que le rôle de métaphore afin de nous aider à mieux comprendre. Malheureusement, la métaphore nous omnibule au point de devenir le centre de l’histoire.

Que ce reflet lui ressemble ou non, là n’est pas l’affaire. Si ce reflet représentait quelqu’un d’autre, le déroulement de l’histoire serait identique. —Et ce n’est pas pour rien qu’il existe au moins deux versions de cette histoire, l’une avec un reflet ressemblant à Narcisse ; l’autre, avec un reflet ressemblant à Écho, sa sœur— De toute manière, quelque soit la ressemblance, Narcisse se jettera à l’eau pour rejoindre cette image. Narcisse nous dit bien qu’une image n’est pas le réel. Narcisse nous affirme qu’il importe de distinguer le réel de l’image. Peu nous chaud ce que représente l’image, si l’on ne fait pas cette distinction image-réel, on se noie dans l’image.

Donc, nous n’aurions pas le droit de faire des images à la ressemblance de Dieu pour nous éviter de nous confondre avec lui et de nous noyer dans son infinité ; confusion qui garantit la noyade totale. Nous reviennent alors à l’esprit certaines traditions mystiques qui affirment que Dieu et nous ne faisons qu’un. Que Dieu réside en chacun de nous. Qu’Il réside en nous au point que certaines de ces traditions dites apocryphes affirment que Dieu, c’est nous !

Cette légende de Narcisse pourrait-elle alors devenir une lecture ou une réinterprétation de ces traditions mystiques qui affirme cette identité. Le danger de la représentation divine résiderait-il alors dans ce danger de se paralyser à la vue de cette image et à la compréhension de cette donnée : Dieu et nous ne faisons qu’un ! Cette révélation nous tuerait ou pour le moins nous tétaniserait !

3 Où l’Afrique confirme cette interprétation
Une autre histoire mythologique racontée dans Les Éthiopiques IV,8 d’Héliodore [3] confirme ce pouvoir transformateur de l’image. En effet, selon cette histoire, Chariclée, la fille de Persinna, reine d’Éthiopie, est d’une exceptionnelle blancheur parce que sa mère, lors de sa conception, avait sous les yeux, le tableau représentant Andromède, complètement nue, au moment où Persée la fait descendre du rocher. Pour Persinna, selon Les Éthiopiques le germe avait pris la forme d’Andromède ».

Une interdiction pour notre bien, pour nous protéger du pouvoir des Dieux à moins qu’elle ne soit là pour nous protéger de notre pouvoir sur les Dieux. Hors, selon d’autres traditions, ce pouvoir nous rendrait diabolique ou pour le moins maléfique.

© Hervé Bernard 2016
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Regard sur l’image,
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350 pages, 150 illustrations, impression couleur, format : 21 x 28 cm,
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