‘’La nature exposée’’, de Erri de Luca, narre l’odyssée improbable d’un sculpteur de montagne dont l’œuvre est dédiée à de petites réalisations, tiny diraient nos amis anglophiles ; celui-ci, suite à la rencontre d’une étrange tour-opératrice admiratrice des baleines va découuvrir la mer. Cette rencontre et le réveil de la nature d’une statue qu’il aide à quitter son pagne apposé entre les deux ‘’Grandes Guerres’’ du XXe siècle et dénude ainsi un Christ provoquant son retour à l’état de nature au grand dam de nombreux paroissiens et malgré la bénédiction du curée.
Cet homme, suite à cette découverte, dans le sens le plus archéologique qui soit, va entamer un processus, d’identification à ce Christ en croix. Pourtant rien ne le prédestinait à cela.
Cette découverte est une interrogation sur la ressemblance :
– celle de la statue avec le représenté,
– celle du ‘’représentateur’’ avec le ‘’réparé’’.
« Je [1] lui [2] montre un endroit sous la dernière côte où la peau est contractée, un pincement produit par une crampe. Nous n’assistons pas là à une leçon d’anatomie, mais à l’expérience d’une identification physique entre sujet et auteur [3]. Il n’a pas utilisé de modèles, il ne s’est pas dérobé à la souffrance de la position pour la copier à distance. Il voulait la connaître de l’intérieur. Il s’est persécuté plus qu’entraîné pour arriver à l’imitation extrême. » [4]
Au cours de ce voyage-errance autour de la nudité et ses liens avec la fragilité, le ‘’réparateur’’ abandonne sa solitude dans une autre ‘’Imitation de Jésus-Christ’’ sans l’éloge de la souffrance et de la privation et découvre la ressemblance avec un frère jumeau quasi inconnu puisque décédé à six ans, victime de l’eau de la montagne.
Le sculpteur pour ‘’retirer un emballage’’ qui dissimule la forme d’une nature circonscrite par la circoncision choisit d’inscrire dans son corps cette circoncision qui le circonscrit à son tour. Encore la ressemblance. Et ainsi devenir ce qu’il fait et cet homme nullement préparé à cette découverte : rencontre l’art mystique, celui peut-être évoqué par André Malraux.
Qu’est-ce que l’appartenance, quel lien a-t-elle avec la ressemblance ?
S’approcher de la frontière pour décrypter la ressemblance entre la frontière géologique et la frontière humaine, et explorer la frontière entre l’humain et le crucifié. Quand le visible se dissimule. « Devant une image, je sens le manque de ce qui est resté hors du périmètre cadré. L’image dresse des bords comme une frontière et moi, j’ai envie de les dépasser. » [5]
De la modestie du chef d’œuvre de cet homme qui s’approche au plus près de l’original sans jamais osé l’atteindre.