Ce texte est un développement de la présentation de l’installation « Clôture à perdre la raison », réalisée pour le Festival d’Art Contemporain Les Jours de Lumière sur le thème de la Transparence (22 au 24 septembre 2017), Saint Saturnin, Puy de Dôme
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L’être humain est tout entier dans cette contradiction, c’est un clos ouvert qui se referme comme une huître. L’homme pourrait être un rempart à la clôture, mais cette perspective est un combat quotidien contre lui-même. Nous naviguons en caravane, en caravelle, en caravansérail telle une nef soumise aux quatre vents l’homme vogue. Cette nef ceinte de murs, étrange navire, navigue aux quatre points de l’horizon.
1 Habiter
Habiter, c’est faire partie d’un lieu, c’est participer à ses qualités. Polluer notre habitat, nous oblige à nous en préserver, à nous barricader derrière des procédures pour éviter d’être blessés voire tués par cette pollution. Tels des barbelés, en théorie là pour nous protéger de nos ennemis, ces procédures sont des clôtures protectrices des empoisonnements. Elles nous interdisent d’appartenir à ce lieu : notre habitat. Elles créent des frontières.
Les ronces artificielles , clôture transparente, sont censées nous protéger du danger. Question de point de vue, de choix, selon le côté du comptoir, des barbelés où nous nous trouvons.
Avec la complexification des pollutions a surgi, simultanément, une complexification
des systèmes de protection bâtisseurs d’un isolement. La complexité de ces systèmes d’ouverture et de fermeture nécessaires à une protection « efficace » nous a conduit à récupérer tout l’arsenal sécuritaire : caméra, systèmes de télédétection,... et, sous prétexte de nous protéger, à faire nôtre des comportements fleurant l’attitude liberticide.
Dans la lutte contre les risques de cette pollution, le paradoxe de ces clôtures sensées nous protéger de ces désagréments, c’est leur porosité. Elle est monstrueuse ! Ces clôtures laissent passer les liquides et les gaz expectorés par ces décharges et autres usines.
Les protections contre la pollution engendrent des privations de liberté. La pollution et le barbelé détruisent la communauté, font de nous des réfugiés. L’un comme l’autre, ils conduisent à l’enfermement. Incarcération illusoire, la clôture parfaitement étanche n’existe pas. L’illusoire étanchéité de cette clôture est le piège évoquée par les photos et les sculptures présentées lors des Jours de Lumière . La crispation sur l’identité et la porosité de la clôture ne font pas bon ménage. Bien au contraire, la crispation sur l’identité se nourrit d’une éventuelle porosité de la clôture bien que la clôture s’en défende. Sa seule porosité est réservée à la pollution, aux actes liberticides.
Aucune clôture ne nous protégera de la folie de l’être humain, celle de ces hommes à lunettes noires qui affirment : « Il faut redouter les barbares, s’interdire tout contact avec eux, sinon pour les mater. Réflexe de rétraction commandé par les centres nerveux de l’Empire... Il sonne le glas des attouchements et agacements sexuels auxquels la frontière paresseuse s’était habituée. La mère de toutes ces violences, de tous ces ségrégationnismes vient de ce coup d’arrêt. » [1] Plus on se protège de l’extérieur, plus on fragilise l’intérieur.
2 La porosité
Et pourtant, il existe une clôture qui peut nous protéger : celle du jardin.. Le jardin, espace protégé par des clôtures, monde clos, est un point de vue pour regarder le monde autrement, le dedans est toujours en dialogue avec le dehors. La porosité de cette clôture est la condition à son développement. Pour la nature comme pour l’esprit, l’essentiel est l’assimilation, la transformation de ce qui vient de l’extérieur en quelque chose d’intérieur et la transformation de quelque chose d’intérieur en quelque chose d’extérieur.
Depuis, cet événement, d’autres sculptures ont été réalisées et trois autres sculptures, en cours d’achèvement, compléteront cette série sous forme d’un triptyque appelé Les Bonbons.
– La première sculpture est intitulée Je vous ai apporté des bonbons,
– la seconde Parce que les fleurs c’est périssable
– quand à la troisième, elle se nommera Puis les bonbons c’est tellement bon.
« Dessous leurs paupières closes » extrait du dossier de presse
Galerie Hors-Champs, du samedi 14 mai au mercredi 15 juin 2022, exposition collective :
Hervé Bernard, Marie-Pierre Brunel, Cécile Duchêne Malissin, Camille Mercandelli Park
Extrait du dossier de presse :
« Ainsi, bercés dans le rythme de ces confrontations par le sommeil malsain d’enfants blessés, nous avons sélectionné un 4e artiste, Hervé Bernard, pour ses sculptures réalisées à partir de barbelés, comme un caressant lien entre chaque artiste, entre chaque image. Parce que les fleurs nourries de nos chairs nocturnes ont elles aussi l’intention de se métamorphoser. De se transformer en bouquet de fils de fer aux tranchantes épines. Ceux-là ne se fanent pas, au moins. Mais contenues par une cloche de verre, ces ronces semblent s’enrouler sur elles-mêmes de rage de ne pouvoir griffer l’horizon entier. Il faut en contrôler le désir. Rendre ce dernier comestible. Pourquoi pas : en faire des friandises, des bonbons de barbelés à mâcher pour l’infanterie. Ils auront la saveur de l’ombre et nous leur apprendrons que ce n’est qu’un jeu. »
Hannibal Volkoff