Regard sur l’image

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- La norme est une image

,  par Hervé BERNARD dit RVB

La norme : une image à laquelle on se conforme en se perdant dans cette image qui nous met en abîme et nous abîme. Pourtant, ce désir d’appartenir à la norme est nécessaire, car cette image : la norme est créatrice d’une homogénéité dans le groupe. Elle le constitue donc et est indispensable à la communication car toute communication repose sur une norme, un protocole.

La norme nous définit tant qu’elle ne devient pas une forme d’interdiction de l’anormal, c’est-à-dire, au sens étymologique (ab-normal, préfixe latin qui indique la séparation selon le Littré), de ce qui est privé de norme. Définition très éloignée de l’anormal d’aujourd’hui qui est l’handicapé. Hors, la création, pour être originale, se doit d’être anormale, c’est-à-dire privée de norme, quitte à en créer une nouvelle dans un second temps. De là à dire que la création est handicapée ? Certainement pas même si c’est ce qu’indique ce glissement sémantique, probablement opéré entre le XVIII et le XIXe siècle. La création artistique, en questionnant notre société, en révèle ses handicaps.

La norme est une image car on se doit de lui ressembler. Certes mais, si nous nous devons de lui ressembler, nous sommes donc le miroir de la norme et donc son image ou à son image.—De fait, l’homme a créé la norme à son image et pour lui ressembler— Nous sommes donc une image d’image.

Sculpture en bois flotté, Marc Bourlier

Si image d’image il y a, dans quelle mesure déformons nous cette image ? Déformation essentielle car une image à l’identique est une image fusionnelle, une image où l’on se perd, une image destructrice. Comme le signale Roger Caillois, « j’admets que la force de l’image croisse avec l’éloignement des termes, mais je pose en principe que le rapport doit continuer d’être reconnu » donc, cette norme sera d’autant plus forte, non en tant que contrainte mais, en tant que constituante de la société humaine, qu’elle tolérera des personnes qui s’éloignent de ce modèle. C’est à cette condition qu’elle pourra jouer son rôle de ciment et non celui d’étouffoir d’un groupe. La norme, comme les gènes ne peut exister que dans la diversité. Là aussi la similarité, voire l’identité est destructrice. En ce sens, la norme est bien une image.

La norme normative tue la norme comme référence. La norme, comme l’image est un reflet et non un modèle. La norme normative tout comme l’image parfaite copie de la réalité nous absorbent et nous noient parce que la fusion dans la norme est tout aussi périlleuse que la fusion dans l’image. Tout comme l’image parfaite assassine l’image, la norme normative assassine la norme. Cependant, il existe une différence fondamentale entre l’image parfaite copie de la réalité et la norme normative. La première n’existe pas, elle n’est qu’un fantasme de l’homme alors que la seconde existe, elle s’appelle le fascisme.

Avant le XIXe siècle, dans la société européenne, on obéit à la loi mais pas à la norme car la norme était diverse. Elle dépendait du milieu social mais aussi de votre géolocalisation et cette dernière était fortement constituante de la norme. On peut considérer qu’au cours du XIXe, avec la montée en puissance de la norme technique, la norme sociale s’est progressivement faite loi. Que ce serait-il passé si la loi s’était faite norme sociale ? La norme aurait-elle été moins contraignante, moins unifiante ? Aurait-elle perdu son pouvoir de nivellement ?

© Hervé Bernard 2009 et 2016