« Il faut voir et lire le paysage comme un rêve. » [1]. Ces carnets dessinés nous offrent des images débarrassées de la ressemblance. « On commence à peindre quand on voit ce qu’on a oublié. Ensuite, le même paysage commence à indiquer le TEMPS. » [2] Photographier pendant plus de 30 ans un même lieu, en l’occurrence le Jardin des Tuileries est le fruit d’un sentiment similaire. Photographier à plusieurs reprises le même lieu, la même perspective ou la même statue, c’est, simultanément, se le remémorer et l’oublier et se fabriquer des souvenirs.
« Le plus fort désir de Monsieur le Peintre est de voir d’une façon entièrement neuve ce qu’il a toujours vu. S’il y parvient, la vie quotidienne deviendra une Vie Nouvelle. Mais, pour cela, il faut être un homme nouveau. C’est ce que cherche le peintre en peignant et repeignant sans cesse la même vue. Ainsi, devra-t-il toujours peindre la vue familière comme s’il avait sous les yeux une énigme. » [3] et oublier le sujet, le lieu peint ou photographier.
« Sans peindre les nuages les peintres
montrer les nuages derrière les montagnes au loin
boules de nuages encore plus loin » [4]
Ces vers me font soudainement penser au paysage chinois et au concept de montagne-eau ou encore d’apparaissant-disparaissant ce qui me renvoie à la miniature persane et à sa parenté avec l’Asie et plus précisément à l’art Moghol. « Mais pour qu’un tableau de paysage éveille un sentiment “romantique” ou “passionné”, il lui faut un lieu connu-mystérieux. Un endroit inaccessible, au-delà des montagnes peut-être. Mais un lieu jamais foulé -étranger. Vers lequel le mouvement de l’image attire notre œil. Une lueur étrange en émane, qui donne de la profondeur à l’ensemble. » [5]