Entre la photographie et le photomontage, on trouve tout un continuum de situations intermédiaires, comme la photographie augmentée (stéréoscopie), la photographie virtualiée (360°) ou la photographie virtualité augmentée (photomontage et images de synthèse). Toutes ces catégories peuvent être regroupées sous le concept de « photographies mixtes ». L’idée générale est d’insister sur la continuité du spectre des possibles, et l’enchaînement progressif des divers mélanges de réalité et de montages disponibles pour telle application ou tel environnement.
Il sera sans doute de plus en plus difficile à l’avenir, de reconnaître au premier coup d’œil la part exacte revenant à la réalité et la part revenant au montage, tant les connections entre ces deux pôles a priori opposés, quoique complémentaires, seront serrées, rétroactives, redondantes et même structurantes.
Toute une phénoménologie des photographies mixtes devra être élaboré, et une éducation à la maîtrise des ces mondes intermédiaires devra être proposée.
Mais ici, je voudrais prendre brièvement parti pour un autre point de vue, celui, non de la continuité, mais de la « quantification » des niveaux de réalité. Oui, il s’agit bien là d’une analogie avec l’opposition célèbre introduite par la mécanique quantique entre divers ordres d’observation des phénomènes. La réalité, même noyée dans un nuage de photomontages garde toujours une irréductible présence, un incassable noyau qu’aucune énergie extérieure ne peut briser ou simuler
De cette idée, que la nature même de la réalité n’est pas soluble dans le montage, qu’il y a des « quarks » de réalité que le photomontage ne peut « augmenter », on peut passer à une autre idée, complémentaire, qui est celle que la réalité est essentiellement discontinue, sporadique, stroboscopique, et non continue.
De même que l’éclair de la conscience nourrit et illumine tout à la fois tout un pan de l’expérience passée, ou prévoit une expérience à venir, de même la réalité se donne parfois tout entière dans l’intuition d’un seul moment, parfaitement bref, et pourtant en une certaine manière infini.
D’après un texte de Philippe Quéau
- Petite histoire de la photographie sous le prisme du photomontage et de la retouche V2