La société Coda System a développé Shoot and Proof, un logiciel de prise de vue depuis un téléphone portable « offrant la possibilité de prendre des photos numériques originales infalsifiables, où et quand vous en avez besoin grâce à un simple téléphone mobile équipé d’une caméra. Les photos sont horodatées, géolocalisées (si votre mobile est GPS ou si votre opérateur autorise la géolocalisation GSM), envoyées sur un serveur sécurisé et conservées un an. » Le fait que Coda System annonce, que seul l’émetteur de ces photos a un contrôle absolu nous fait déjà douter de l’aspect infalsifiable de ces photos. En effet, ne vaudrait-il pas mieux, pour que ces images soient indubitablement infalsifiables, que l’utilisateur n’est pas accès à ces images position d’ailleurs adoptée par le site américain My Mobile Witness. Pour ce dernier, seules les autorités, si elles ouvrent une enquête, ont le droit d’accéder au contenu du dossier de l’utilisateur. À elles d’utiliser les messages ou photos en preuves. Le service est gratuit. [1] (Pour une fois, nos congénères d’Outre-Atlantique sont plus prudents que nous.)
Donc, chez Coda Systems seul l’utilisateur accède aux photos originales et aux informations liées, et il garde un contrôle absolu sur celles-ci, c’est-à-dire les gère grâce aux outils mis à sa disposition. Toujours selon Coda Systems, les photos « Shoot&Proof ont une valeur probante devant les tribunaux et sont opposables à des tiers, ce qui confère à la solution une valeur légale. » Alors pourquoi, ne pas nous donner des exemples d’utilisation. Nous doutons de cette affirmation pour une autre raison, juridiquement, la sagesse du législateur fait que les photos ne sont que des présomptions de preuve. L’annonce de Coda Systems, semble donc en contradiction avec la législation française.
Que signifie infalsifiable quand on connaît l’importance de l’angle de prise de vue, de la focale dans la « véracité » d’une photo, et que se passe-t-il si je photographie un photomontage ou une mise en scène ?
Les détectives vont pouvoir à nouveau travailler dans le constat d’adultère… Allons soyons un peu paranoïaque, je tombe en panne en pleine campagne, une bonne âme me prend en stop, avant de monter dans la voiture, je photographie sa plaque d’immatriculation, je le photographie et quand je monte dans sa voiture, j’envoie le tout sur le site de Coda comme cela s’il me dépouille, j’aurais la preuve que c’est lui…
Mais soyons encore un peu plus paranoïaque, qui prouve que j’ai photographié ou filmé la bonne personne ? personne ! je suis peut-être entrain de monter une escroquerie ?
Si l’on écoute le raisonnement des fondateurs de ces deux sites, la photo serait une preuve et une empreinte de la réalité. Décidément, Roland Barthes n’a pas dit son dernier mot… La photo n’est pas et ne peut pas être une preuve car la photo est infiniment subjective. La photo est un semblant de réalité ; à la rigueur un miroir qui, quelque soit sa perfection optique, déforme un minimum puisqu’il inverse la droite et la gauche. Grâce au miroir, le bon larron assis à la droite de Dieu est alors assis à sa gauche, c’est-à-dire qu’il devient le mauvais. Ce qui n’est pas une mince inversion.
© Hervé B
- L’impossible preuve, la photo comme empreinte de la réalité. (3) Image et réalité
– Regard sur l’image, un ouvrage sur les liens entre l’image et le réel.
350 pages, 150 illustrations, impression couleur, Format : 21 x 28 cm,
EAN 13 ou ISBN 9 78953 66590 12,
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