L’origine de la sérigraphie est un mystère. La difficulté de retrouver des documents d’époque est surprenante. On dénombre pourtant à partir de 1906 plusieurs brevets sur l’utilisation de pochoirs amovibles et l’utilisation d’écran en tissu tendu. D’autres, plus rudimentaires, sont même datés de 1880 ! Donc inutile de chercher qui est le premier inventeur de la sérigraphie (Jehan Raymond, Samuel Simon, John Pilsworth, Harry Leroy Hiett…). Vous le découvrirez dans le livre de Guido Lengwiler : ce sont tous des pionniers. Pour s’en persuader, des biographies et des documents inédits sont révélés au fil des pages : un travail documentaire incroyable !
La Velvetone Company est probablement la plus ancienne entreprise de sérigraphie. C’est la première grande découverte du livre ! Saviez-vous qu’en 1908 les fabricants de fanions américains utilisaient une technique d’impression totalement inédite ? Les fanions de feutre étaient très populaires en Amérique, on trouvait ces souvenirs commémoratifs au moment des fêtes, des élections, dans les écoles et dans les stades de baseball.
En 1910, avant de fonder la Velvetone Poster Company à San Francisco, Franck Ottokar Brant était déjà un artisan ingénieux quand il s’est rappelé que les chinois utilisaient (depuis le 14e siècle) des pochoirs renforcés par du fil de soie. Brant pensait donc que la fabrication des fanions était inspirée de cette ancienne technique… Mais le secret était jalousement gardé !
« Il n’y avait pas de traces de pinceaux et les couleurs n’avaient pas été appliquées à l’aide d’un pistolet à peinture. Brant ne pouvait s’empêcher d’y penser car il y voyait une technique inconnue pour imprimer des publicités et des posters. Il se fit alors engager [...] dans une fabrique de fanions et découvrit pour la première fois les écrans de soie tendue sur un cadre en bois (screen ou écran) et comment ils étaient maintenus à l’aide d’une charnière. Il utilisa la table, la racle (ou raclette) et une encre épaisse. C’était tout ce qu’il avait besoin de connaître… »
Les premiers essais furent catastrophiques mais l’ascension fulgurante de la sérigraphie d’art graphique et publicitaire pouvait commencer.
« Aux USA, on achète parce que c’est nouveau, en Europe on n’achète pas parce que c’est nouveau. » Voici le résumé lapidaire d’un expert suisse en 1931. Une belle différence de mentalité ! Classique et austère sur le vieux contient, la publicité revendique son optimisme en Amérique. La réclame omniprésente dans la rue associe déjà créativité et sophistication.
Même si les procédés de la sérigraphie sont décrits très tôt par des brevets en Europe, « les éléments clés de l’impression sur tissu tendu et sa commercialisation ont trouvé un terreau plus fertile de l’autre coté de l’Atlantique et notamment en Californie ». C’est le début d’un nouvel art graphique, bien avant l’avènement de l’art déco en France (1925).
Alors qu’on utilisait encore le pinceau et le pochoir manuel, la gravure sur bois ou métal, les Pop (Point of purchase) vont être révolutionnés par la richesse des couleurs et la simplicité d’impression à l’aide de tissu tendu : l’ancêtre de la sérigraphie actuelle.
L’histoire secrète de la sérigraphie 1/3 : les pionniers, 1906-1925 (suite illustrée)