Dans notre tradition occidentale et judéo-chrétienne, la main l’emporte de loin sur le pied. Elle est plus lourde parce que placée plus haut (Merci Newton) et beaucoup plus chargée. Elle est d’or et de plomb. Elle palpe, caresse, fait du corps une “carte du tendre”. Elle nous renseigne dans le noir quand les yeux sont éteints. Elle saisit, prit, griffe, lance des pierres, tue et signe des crimes avec les empreintes digitales du génial Bertillon. Elle répand par l’écriture vérités célestes ou mensonges diaboliques : pas une affaire louche dans laquelle elle n’ait trempé. Elle nous fait même peur par son pouvoir d’addiction -on ferme souvent les yeux lorsque l’on touche ce que l’on aime- ou de meurtre. Je pense que les poches -tabliers ou pantaloons- n’ont finalement pas d’autre but que de ranger quelque part ces extrémités imprévisibles, inquiétantes, tueuses. Le ’’poing dans la poche’’ ne frappe pas, ne lutine pas, n’étrange pas.
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« Dans le monde judéo-chrétien, nous manions mal cette dynamite. Donner la main est un signe de trêve, mais combien précaire ! La refuser déclenche la bagarre, ou un compte à régler qu’on n’oubliera pas de sitôt. Nous ne savons que faire de nos mains, nous sommes quasiment en guerre avec elles. [1] Voyez les cantatrices qui torturent éperdument un petit mouchoir en poussant leur contre-ut, pour garder contrôle de ces mains qui sinon iraient voleter partout et hors de propos. Cette querelle est plus sérieuse qu’on ne croit : si nous n’y mettons pas un terme, nous finirons tous avec des crochets. » [2]