« Quelles que soient les facultés de la vision, celle-ci devient spéculative car les raisons de spéculer ne manquent jamais, car il ne manque jamais de choses à voir, et même dans la plus médiocre obscurité, on voit et on prend plaisir et on a quelque chose à imiter. »
Le Gréco
Ces mots confirment l’importance des liens entre l’œil et le cerveau. Pour ce peintre, il est clair que voir ou plutôt regarder, c’est penser. Et cette citation en témoigne, sa compréhension du fonctionnement de la vision est celle d’un précurseur.
Ces propos pointent un autre aspect du regard la plupart du temps oublié car l’on omet de relier la vision au cerveau. Au moins dans un premier temps, le regard est toujours spéculatif et ici spéculatif n’a rien à voir avec la bourse au sens de la spéculation financière du terme même s’il est possible de tirer des traits entre la spéculation visuelle et la spéculation financière. Ici, spéculatif nous renvoie à l’étymologie du mot. En effet, comme nous le rappelle le dictionnaire spéculer, c’est « observer, considérer, chercher à pénétrer par l’esprit ». Tant que le cerveau n’intervient pas, la vision et son balayage du champ visuel ne font que spéculer, c’est-à-dire émettre des hypothèses.
Ce spéculatif là n’a donc rien à voir avec nos jeux boursiers contemporains. Par contre, il nous renvoie à une autre acceptation de ce terme. Celle qui parle d’une lumière spéculaire ou encore d’un objet spéculaire « qui réfléchit la lumière comme un miroir » et j’ajouterais ’’of record,’’ bien souvent cette réflexion est plus puissante que la source et, de cette lumière au spéculatoire, il n’y a qu’un pas que nous n’hésitons pas à franchir
Hors le spéculatoire est, toujours selon le même dictionnaire, une « Interprétation des phénomènes de la nature d’après les sciences occultes. ». Son sens, au vu de notre pensée est-il donc totalement aléatoire ?
Et c’est là qu’intervient à nouveau l’étymologie. Cet objet spéculaire est peut-être la justification ou plutôt l’explication de la proposition finale : « [...] et on a quelque chose à imiter. » Parce qu’elle est spéculative et spéculatoire, cette imitation ne peut-être à l’identique. La réalité serait-elle le prototype de ce que le cerveau produit ? Tout comme le prototype industriel est l’amorce d’une longue chaîne de déclinaison, cet objet à imiter serait le commencement d’une longue série. Cependant, dans la situation décrite par Le Gréco, l’objet à imiter n’est jamais répété à l’identique à l’encontre du prototype industriel qui, lorsqu’il quitte le stade de prototype, devient un produit répété à des milliers d’exemplaires identiques. Mais, là, on ne parle plus d’imitation, on parle de copie.
L’imitation ne serait-elle là qu’à la condition d’être créative ?