Passionné de l’image, à travers l’histoire d’un photographe en quête d’images subtilisées (photos prises à la sauvette et œuvres d’arts détournées) Jean-Louis Poitevin, dans Séoul, playstation mélancolique, nous révèle comment l’image, le voyage nous imprègnent et constituent notre relation à l’autre dans ce monde où l’ici est là-bas, là-bas est ailleurs et ailleurs est ici. Errance séoulienne en quête de dessins, manière de dessiner un dessein faute de destin
Séoul, playstation mélancolique nous parle de ce monde globalisé qui nous gratifie d’une appartenance à plusieurs mondes. Appartenance renforcée par cette ubiquité inconstante de la société de l’avion consommé comme un ticket de métro.
Jean-Louis Poitevin est un voyageur de la Corée comme on dit de quelqu’un qu’il est un voyageur au long court. Séoul, playstation mélancolique nous raconte la fiction de l’image, la fiction de la vie, le temps qui passe sans rien égrainer. Le temps, cette valise vide que nous portons indifféremment ou alternativement dans la main gauche ou droite. Le temps est cet autre personnage de Séoul, playstation mélancolique. Il en est, peut-être, même l’unique personnage. Les êtres humains traversant le roman en étant, au sens chrétien du terme, une incarnation du temps.
Dans ce roman imprégné de la présence de Nathalie Sarraute, le personnage principal, l’innommé ou l’un-nommé, ce n’est pas clair puisqu’en permanence en caméra subjective, avance tel une mouche dans son bocal. Bien sûr, le 38e parallèle est là en arrière-plan. Cependant, il ne semble pas tenir plus de place que cela, aussi surprenant que cela puisse paraître au regard de l’actualité.
Une passion irraisonnée bien que photographique pour les jambes de femmes parcoure Séoul, playstation mélancolique même si ce regard, là, sur ces jambes est interdit. Ces jambes qui sont la trace de la femme dans l’univers du narrateur dont le regard est d’une mobilité exceptionnelle voire, inaccessible même pour les clips les plus agitées. Ce roman narre le paradoxe d’un regard agité pourtant posé sur le monde dans une observation incessante collée dans un éternel ici et maintenant.
Ici, même les souvenirs sont, eux aussi, dans une course incessante et un surgissement permanent. Dans Séoul, playstation mélancolique, l’existence des souvenirs ne semble possible qu’à la condition de la présence, ad minima, d’une image pour les valider.
Les yeux des écrans, les images, le mystère des femmes et de l’hypermnésie structurent ce roman.
-La cuisson de l’homme, essai sur l’œuvre de Robert Musil de Jean-Louis Poitevin, ed José Corti