Regard sur l’image

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- La Nasa, Eros et la mysoginie

,  par Hervé BERNARD dit RVB

Il y a 45 ans, la NASA pour célébrer ses succès montraient l’homme au travail, harnaché dans son cosmoscaphandre. Pendant les heures de gloire de la navette, elle continua à montrer cette image devenue entre temps un cliché : un scaphandre dans l’espace, présentant ou contenant un humain réparant ou installant un nouvel outil sur un satellite, sur la navette... Quitte à mettre en avant l’assistance du bras articulé de la navette, confirmation du triomphe de l’Amérique à travers l’association de la mécanique, de l’informatique et en contre-pied de la série cinématographique Transformer.

Aujourd’hui pour communiquer,elle a recours à une femme ; sujet plus porteur. Pourtant, on aurait presque envie de dire objet, objet car la mise en scène ne la présente justement pas dans une quelconque situation de travail. Elle est allongée au bord de la fenêtre dans une position qui suggère bien plus le temps de loisir que le travail et n’évoque même pas une attitude concentrée pour comprendre le « silence éternel de ces espaces infinis » (Pascal). Certes, cette image est peut-être là pour nous faire comprendre que la pénibilité d’autrefois est passée de mode mais, mille autres images auraient aussi bien fait l’affaire. Et si cette image n’était qu’une nouvelle démonstration de la misogynie latente traduite par une régression dans le domaine de l’égalité des sexes ?

Plusieurs conclusions viennent à l’esprit : tout d’abord, l’égalité homme-femme a encore du chemin à faire, à quand un homme dans cette attitude « lascive » ? Pourquoi, cette attitude proche de celles affichées par les estivaliers sur le bord de mer ou de la piscine ? Suggère-t-elle que la Nasa compte d’une manière ou d’une autre orienter une part de son activité vers le tourisme intersidéral comme prestataire pour des agences de voyage ou en agissant elle-même comme tour-opérateur ?

Misogynie dont on voit un retour tout aussi attristant, de notre côté de l’Atlantique avec les dernières publicités de SFR pour ne citer qu’elles. Nous nous intéresserons plus particulièrement à celle se déroulant probablement dans un taxi new-yorkais. Pour mémoire, cette publicité met en présence une femme enceinte téléphonant pendant une échographie à son cher et tendre compagnon ou mari. Comme vous l’avez compris, l’emploi du temps de ce Monsieur fort surchargé ne lui laisse pas le temps d’assister à la dite échographie. C’est à peine si ce cher Monsieur a le temps de consacrer une communication téléphonique à ce moment intime (non seulement il parle avec sa femme, mais, il parle du moment où il va découvrir le sexe de son enfant, presque une première naissance de nos jours) et, cette communication, il ne peut la faire que dans un taxi sans omettre de faire participer à cet événement son collaborateur et son client. Mais le summum est atteint avec la mise en doute par ce ’’cher et tendre’’ du diagnostic de la gynécologue. Je précise bien la gynécologue ! C’est-à-dire une femme. Une fois cette mise en doute énoncée, ce mari ne peut s’empêcher d’aller chercher et d’obtenir une confirmation de sa ’’sapiens’’ auprès des autres mâles : son collaborateur et son client qui, bien entendu, confirment les propos de ce futur papa, même le chauffeur de taxi est convoqué. Répondent-ils affirmativement à la question par simple démagogie ou par solidarité masculine ? Nul ne le sait car leurs propos ne sont pas plus étayés que les siens. Quand au chauffeur de taxi, manifestement, il ne comprend pas la question, mais, il va dans le sens de son client, par démagogie commerciale ou en raison de son inculture, ce n’est pas clair.

Hormis le cliché plus ou moins raciste, on notera la scénographie qui conforme les femmes à rester au domicile, ici, la France, dans un sens à peine plus large que celui du XIXe siècle, dans ce monde dit globalisé. La mise en scène nous présente donc d’un côté le gynécée et de l’autre, les hommes qui palabrent et travaillent. La gynécologue acceptant qu’un homme situé à des milliers de kilomètres non seulement mette en doute sa parole grâce à un écran bien plus petit que le sien et malgré l’absence d’expérience de ce macho dans l’analyse de ce type d’image. Quant à la mère complètement déstabilisée, elle affirme dans un bouquet quasi final et croquignolesque « ma fille a un zizi ! » Accessoirement, quand je vois cette scène, elle me rappelle les concours de taille de bittes.
diffusé dans les cinémas depuis fevrier 2012 jusque début juillet 2012

En bon spécialiste de la communication, SFR souhaite s’assurer que nous comprenons bien son message sur le rôle des femmes. À la télé, ils enfoncent donc simultanément le même clou avec une autre version encore plus primaire, il s’agit de Juliette, ma fille spot TV avril 2012. Dans ce spot, il est impossible de savoir qui est la plus ridicule la mère mimant sa fille dans la boutique SFR devant un vendeur d’une patience inacceptable. Celle-ci tournant en dérision pour ne pas dire la descendant en flamme sa fille, que l’on ne voit à aucun moment, dans son rôle de techno-fashion victime. Comment se fait-il que la mère ne mime pas son fils ou le père son fils ou encore sa fille. Accessoirement, si l’on en croit cette publicité, un vendeur SFR doit accepter n’importe quoi de son client.


 Regard sur l’image
Un ouvrage sur les liens entre l’image et le réel.
350 pages, 150 illustrations, impression couleur, Format : 21 x 28 cm
EAN 13 ou ISBN 9 78953 66590 12

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